Auto-stop en haute altitude : Traversée de l’Himalaya et du Cachemire
Mardi 22 Août 2017,
J’arrive vendredi matin à Manali, une charmante petite ville au pied de l’Himalaya. Après la chaleur et l’humidité de la mousson, je retrouve la fraîcheur des montagnes. Toujours un peu malade, je profite du calme de l’auberge pour me reposer. Le balcon donne sur les premières montagnes himalayennes recouvertes d’une épaisse forêt. Toute la journée, on peut voir les nuages, très bas, se faufiler à travers celles-ci et offrir un tableau magnifique. Je profite aussi de mon arrêt pour prendre un bain thermal au milieu d’un temple hindou à Bashisht, un village voisin. Après ces deux jours bien reposant, je me lance dans la traversée de l’Himalaya en auto-stop.

Match de volleyball au sommet dans les rues de Manali
De Manali, une seule route permet de rejoindre Leh dans la région du Ladakh, de l’autre côté de ce mur de montagnes. Cette route de 480 km est la deuxième route la plus haute du monde. Je prévois deux jours pour arriver à destination et décide de prendre mon temps pour bien profiter des paysages qu’offre cette région.
Dimanche 20 Août, vers 7h du matin, je rejoins la petite station essence à la sortie de la ville pour trouver un véhicule. Ce sont principalement des camions, des taxis et des grosses motos Royal Enfield louées par des touristes qui font le trajet. C’est finalement un groupe de taxi qui accepte de me prendre pour la première partie de la route. Ayant à chercher leurs clients à l’aéroport de Leh, ils font le trajet à vide et acceptent de me prendre gratuitement. Par contre, ils comptent mettre trois jours sur la route ce qui ne convient pas vraiment à mon programme. On convient donc qu’ils me déposent à Keylong une centaine de kilomètres plus loin.
Des les premiers kilomètres, l’Himalaya impose sa splendeur. On monte d’abord rapidement en altitude par des petites routes cabossées en serpentins qui offrent un panorama incroyable. Les montagnes sont complètement recouvertes de verdure et semblent bloquer l’accès aux nuages à l’autre côté.
Après quelques heures de trajet, mes conducteurs me proposent de nous arrêter manger. Le choux et les haricots sont achetés de la fermière du coin pour concocter un dhal des plus originales, et des plus succulents. Je ne sais pas si la beauté des paysages rend la nourriture meilleure, mais je suis sûr qu’il doit y avoir un lien !

Routes en serpentins entre Manali et Keylong

Sur la route qui mène à Leh, nous ne sommes pas seuls…

Préparation du repas
J’arrive à Keylong en milieu d’après-midi et j’essaye de gratter quelques kilomètres avant la nuit. C’est Namgil qui m’accepte dans sa voiture pour me déposer à Jispa, un village une vingtaine de kilomètres plus loin. Namgil fait parti des Ladakhi bouddhistes aux origines tibétaines. Il me propose de passer la nuit chez lui si je ne trouve pas de voiture pour aller plus loin. Après une bonne heure sur le bord de la route, très peu de voitures passent et le soleil s’apprête à se coucher. Je décide de faire le tour des hôtels pour trouver une voiture pour le lendemain, sans succès. J’apprend cependant que la plupart des voitures et camions partent très tôt pour Leh ce qui me permettra de mieux m’organiser le lendemain.
La maison de Namgil est nichée sur le haut d’une colline et il me faut traverser des champs pour y arriver. Sur la route, je croise un groupe de personnes typés tibétains qui m’invitent à prendre le thé et un morceau de puri, une galette présente partout en Inde mais qui peut être très différente selon les régions. Le puri est dur comme la roche mais je fais mine d’apprécier le trempant dans mon thé. Peu de mots suffisent pour se faire comprendre et les rires vont des deux côtés. Particulièrement lorsque je leur explique que je voyage en auto-stop, c’est l’euphorie générale.
Je rejoins la maison de Namgil où je suis accueilli par son père. Il m’offre une tasse de lait chaud et me montre ma chambre. Tout ce qu’il y’a de plus basique, un tapis sur lequel je vais dormir et une cheminée pour se réchauffer l’hiver. Le dîner se fait en famille où l’hospitalité semble ici naturelle. Les parents de Namgil me posent des questions sur mon voyage et ce dernier s’occupe de la traduction. Le soir, je sors un moment contempler les étoiles. Perché au milieu des montagnes ce soir sans lune, le spectacle est grandiose et j’ai droit à un ciel aux millions d’étoiles. On dit ici qu’on est tellement proche du ciel que si on parle à dieu il nous entendrait. Je ne sais pas s’il m’a entendu ce soir là, mais je sais qu’il veille sur moi et que je suis né sous une bonne étoile.

Ma chambre pour la nuit

Vue depuis la maison de Namgil
Conscient de mon retard, je prends le départ à 5h du matin. Le soleil commence à peine à se lever et j’en profite pour marcher au milieu de ce paysage. La route est totalement vide. Je marche pendant près d’une heure et demie. Deux voitures passent. Je suis presque content qu’elles ne s’arrêtent pas, ça me permet de continuer à profiter du paysage.

Il ne fait pas encore entièrement jour lorsque j’entame mon trajet
Le troisième véhicule, un camion, s’arrête. À son bord un homme encore à moitié endormi me grogne de monter. Le visage sous sa barbe et le bonnet bien enfoncé, il a des allures de criminel. Mon instinct me dit de monter quand même, il ne m’a pas trompé jusque là. Je monte. Quelques kilomètres plus loin, on s’arrête prendre un petit déjeuner préparé dans une casserole par un de ses amis. Les visages commencent à s’ouvrir et les sourires aussi. Je suis plus rassuré et je finirai le trajet avec mes nouveaux compagnons de route.

Mon compagnon de route pour les quatorze prochaines heures
On passe des cols toujours plus hauts. On dépasse bientôt la barre des 5000m, le col le plus haut étant à 5400m. Le paysage se transforme aussi. plus on va vers le nord, plus la verdure se fait rare et le paysage devient désertique. Je ne pensais pas qu’il pouvait faire aussi chaud et sec à des altitudes pareils…

On avance vers le nord de l’Himalaya : On monte en altitude, mais aussi en température !

Les paysages se suivent et ne finissent pas de m’émerveiller

À plus de 5000m, pas de neige en vue !
Le manque d’oxygène commence aussi à se faire ressentir. D’abord un petit mal de tête, qui s’intensifie, puis des nausées… heureusement ça s’arrête là pour moi. Pour certains, la dernière étape, des vomissements, annoncent un coma imminent et l’évacuation vers des altitudes basses est obligatoire. On redescend petit à petit vers Leh à 3500m où je prends une journée de repos pour m’acclimater. J’en profites pour découvrir la forte culture tibétaine présente ici en visitant les divers marchés et boutiques de réfugiés. Je visite aussi les hauteurs de la ville qui donnent une belle vue sur les montagnes environnantes. L’acclimatation se fait en douceur et je suis prêt pour ma dernière étape en auto-stop : le Cachemire !
Samedi 26 Août 2017,
De Leh, je décide de rejoindre Srinagar, la capitale du Cachemire. Je prends la décision que cette étape sera la dernière de mon voyage en stop. Après ça je prendrai le bus pour aller jusqu’à Delhi avec une petite étape à Dharamsala.
Je me dirige donc vers la sortie de la ville, où une première voiture me dépose à un petit village un peu plus loin. De là, je marche une bonne heure avant qu’une voiture ne s’arrête. C’est Rajat, un jeune banquier d’affaires qui me prend dans le taxi qu’il vient de louer pour la journée. Il compte visiter certains coins de la région, et comme c’est sur mon trajet, il me propose de l’accompagner. Encore un service de luxe pour un vagabond en auto-stop ! Nous suivons d’abord le fleuve de l’indus qui offre des paysages magnifiques avant de visiter un temple bouddhiste du 11e siècle.
Sur la route, Mamet, le chauffeur, nous montre un endroit où Newton aurait perdu la raison. Sur une pente assez rude, il laisse la voiture avancer en coupant le contact. Au début elle accélère, puis elle ralentit pour au final s’arrêter au milieu de la pente. Ce phénomène s’explique par un champs magnétique qui se situe en dessous de la route.
Je quitte Rajat après le déjeuner pour poursuivre ma route jusqu’à Kargil, ville qui fût le théâtre des plus récents affrontements entre le Pakistan et l’Inde (1999). À partir de Kargil, je sens que je rentre dans un nouveau territoire, plus hostile. Les moines et les monastères laissent place aux militaires et aux casernes. La population change aussi. Les saris laissent place aux burqas et les imberbes aux barbus. Un de mes conducteurs me raconte les déplacements de masses de population : Il se souvient surtout du temps à attendre les bus et regrette les deux années d’école qu’il a perdu.

Le camin qui me déposera jusqu’à Kargil

Sur la route entre Kargil et Srinagard : De l’autre côté de la montagne (au fond) se trouve la zone contrôlée par le Pakistan
Je continue ma route jusqu’à Srinagar, principale ville et capitale du Cachemire. Je trouve d’abord un conducteur qui va jusqu’à ma destination. Par contre, je souhaite profiter un peu plus de la région et lui demande de me déposer près d’un glacier où je déjeune et poursuis une partie du trajet à pied. Je regrette presque cette décision lorsque je décide de reprendre la route et qu’un glissement de terrain ralentit le trafic de plusieurs heures. Heureusement, j’arrive à Srinagar avant la tombée de la nuit.

Pas le temps de s’arrêter, le déjeuner préparé dans le camion !

Fonte des derniers glaciers sur le bord de la route

Un glissement de terrain bloque la circulation et me ralentit de plusieurs heures

À l’arrière d’une camionnette : Tous les moyens sont bons pour avancer !

Mon dernier conducteur de ce voyage !
Que ce soit à Kargil ou à Srinagar, les cachemiris que je rencontre réclament tous leurs indépendance. Ici, dire que le Cachemire est une région de l’Inde fait grincer des dents : c’est un territoire occupé. Et comment ne pas les comprendre? Il y a des militaires lourdement armés à tous les coins de rue la répression est sévère lors des manifestations. Autour d’un street food, je rencontre deux avocats qui me font ensuite visiter leur ville. Ils m’expliquent les différents moyens de résistance, pacifique et armé. On passe à côté d’une prison politique où ils connaissent les noms de leurs héros qui y sont enfermés. Ils m’expliquent aussi que dans les villages, tout le monde sait qui est rebelle et qui ne l’est pas.

Qui a dit que le Cachemire manquait de backpackers?
Malgré cette tension palpable, je me sens plus en sécurité ici que n’importe où en Inde où je suis à l’abris des arnaques contre les touristes. Les habitants sont d’une hospitalité incroyable et sont contents de voir des étrangers. Pareil qu’à Kargil, le tourisme est complètement mort et la population est bien consciente qu’ils font les frais d’une mauvaise publicité de la presse internationale. Pourtant la région possède un potentiel énorme : ski, trekking, rafting, parapente, escalade… et tout ça au cœur de l’Himalaya ! Pendant mes quelques jours au Cachemire, j’ai croisé qu’un seul couple de touristes européens et une seule famille d’indiens.

À Srinagar, des maisons traditionnelles sur le bord du fleuve
Sur le lac de Srinagar, je fais un petit tour de Sukara, ces petits bateaux traditionnels de la région. Le manque de touristes est tel, que pour 2h30 de bateau, il m’en coûtera 250 roupies (3,30€). Toutes les activités touristiques sont à des prix dérisoires. Même si mon petit budget y trouve son compte, je trouves ça quand même dommage qu’une région pareille ne profite pas de son incroyable potentiel.
Avec cette étape, je mets fin à mes aventures d’auto-stop ! Au total, c’est plus de 2700 km sur les routes indiennes qui se sont avérés beaucoup plus difficiles que ce que j’imaginais au début. C’est aussi la rencontre de personnes formidables qui ont façonnés ma vision de ce pays et de sa diversité. Merci à toutes ces personnes sans qui je serais toujours en train de tendre le pouce quelque part à la sortie de Calcutta !
Ce n'est qu'un au revoir !
octobre 17, 2017 @ 7:16
[…] Je quitte Srinagar et le Cachemire pour une dernière et courte étape à Dharamsala, et plus particulièrement à McLeod Ganj, un petit village une quinzaine de kilomètres plus haut dans la montagne. McLeod Ganj est connu pour accueillir le gouvernement du Tibet en exil. C’est aussi la résidence principale du Dalaï Lama, « His Holiness » comme on l’appelle ici. […]